SCIENCE
- Doit-on vivre discrètement sur notre planète ou essayer par tous les
moyens de signaler notre présence dans l'immensité de l'espace? La
question suscite la controverse au sein de la communauté scientifique.
Des
astrophysiciens américains sont cependant déterminés à mener à bien
leur projet d'envoyer des signaux vers des étoiles dans l'espoir
d'établir un contact avec une civilisation extraterrestre et ont rejeté
jeudi 12 février les craintes d'autres chercheurs comme Stephen Hawking selon lesquels cette initiative pourrait menacer la Terre.
"Pendant
cinquante ans, nous avons pointé des radiotélescopes vers des étoiles
en quête de signaux d'autres civilisations, mais sans succès", a
expliqué Douglas Vakoch, un scientifique de l'Institut SETI (Search for
Extraterrestrial Intelligence) en Californie , lors d'une présentation à
la conférence annuelle de l'American Society for the Advancement of Science (AAAS).
"Avec
ce programme Active SETI, nous inversons le processus pour prendre un
rôle actif en transmettant de puissants signaux riches en informations
vers d'autres mondes dans l'espoir d'avoir une réponse", a-t-il ajouté.
Diffuser tout le contenu d'internet pour raconter l'humain et sa culture
Ces
messages seraient envoyés vers des systèmes stellaires relativement
proches comptant des planètes potentiellement habitables. Selon ces
astrophysiciens, une telle approche est plus prometteuse que les
tentatives précédentes pour établir un contact avec des extraterrestres,
telles le disque embarqué à bord des deux sondes spatiales Voyager,
lancées en 1977, contenant des sons et des images sélectionnés pour
faire un portrait de la diversité de la vie et de la culture terrestres.
Des
signaux radio ont aussi déjà été transmis à cette fin dans le cosmos.
En 1999, des scientifiques russes ont envoyé leurs propres messages avec
le télescope Yevpatoria en Crimée, et en 2008, la Nasa, l'agence
spatiale américaine, a transmis la chanson des Beatles "Across the
Universe" vers l'étoile polaire, distante de 430 années-lumière.
En
recourant aux radiotélescopes actuels les plus puissants, Seth Shostak,
directeur de l'Institut SETI, a estimé lors d'une présentation jeudi
qu'il faudrait diffuser vers ces étoiles tout le contenu d'internet, ce
qui permettrait à une autre civilisation qui capterait ces signaux de
décrypter toute l'histoire humaine et de sa culture.
Ces
chercheurs reconnaissent que leur projet est controversé, citant les
réserves émises notamment par Stephen Hawking, pour qui de telles
transmissions seraient "irresponsables". L'astrophysicien britannique a
souligné le fait que l'histoire humaine fournit de nombreux exemples de
rencontres tragiques pour des civilisations moins avancées, comme les
Incas avec les Espagnols.
Un consensus "avant que l'humanité ne fasse un pas irréversible"
Mais
les promoteurs du projet Active SETI rejettent avec force ces
arguments, qui selon eux relèvent de la "paranoïa". Seth Shostak a fait
valoir qu'"il est de toutes façons trop tard pour s'inquiéter de
signaler notre présence" à d'éventuels E.T. belliqueux.
"Toute
civilisation extraterrestre suffisamment avancée pour attaquer et
vaporiser la Terre peut facilement capter nos émissions d'ondes radio,
que nous diffusons depuis la Seconde guerre mondiale", a-t-il relevé.
Pour
lui, si l'on voulait interdire de diffuser des signaux dans l'espace,
il faudrait aussi empêcher l'utilisation des systèmes radar militaires
et des aéroports, et pourquoi pas des éclairages des villes. "De telles
mesures paranoïaques saperaient toutes les activités et progrès des
générations humaines futures", a-t-il jugé.
Rejetant
les accusations de paranoïa, David Brin, astrophysicien et auteur
d'ouvrages de science-fiction, a plaidé pour un moratoire avant
d'envoyer ces messages. "Nous proposons un appel au consensus par une
consultation internationale et publique avant que l'humanité ne fasse un
pas irréversible, à savoir signaler à grands cris notre présence dans
le cosmos", a déclaré l'écrivain devant l'AAAS.
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